Luc Doerflinger

Sleeping Beauty – Barcelone

Installation à la Galerie Maeght, Barcelone, 2003. Quinze huiles sur papier, lumière électrique programmée, 500 x 130 cm chacune.

Quinze grands pans de papier sont suspendus en arène dans une des salles de la galerie. La programmation lumineuse de l’ensemble de l’installation fait varier imperceptiblement les intensités et le temps d’éclairage de chaque image.

Les travaux avec la lumière sont étroitement liés au travail pictural. Comme les peintures ils permettent de questionner le rapport que nous entretenons avec les images.
Les ensembles de peintures et les installations lumineuses se présentent ainsi comme les éléments d’un dispositif global destiné à interroger le regard. Ces travaux sont à la fois des réalisations autonomes et les pièces de combinaisons variables dont la scénographie varie en fonction des expositions.

Lumière fovéale
La zone fovéale est l’endroit sur l’oeil où la vision est la plus nette.
Être dans l’oeil. Être dans le regard. Déambuler dans une image comme dans un paysage pour en éprouver l’épaisseur. Les installations sont issues, en le spatialisant, du travail de peinture. Elles s’affranchissent de ce rapport au mur inhérent aux images en deux dimensions. Pourtant c’est bien de peinture dont il s’agit, mais d’une peinture rincée de sa part organique, événementielle (dans le sens où le geste, le moment de son exécution a une importance); une peinture stabilisée dans le moment de son regard. Un lieu, du papier, de l’huile et de la lumière pour faire exister des “peintures sans peinture” ; ou comment peindre l’invisible avec de la transparence. Sans pigments et sans gestes, afin de garder qu’une empreinte, un contact, en écho à ces images dites acheiropoïètes (c’est-à-dire non faites de mains d’hommes) dont les exemples les plus connus sont la Véronique romaine et le Saint Suaire de Turin. Ces images supposées sans genèse plastique et comme en suspension dans l’histoire de l’art incarnent une certaine forme d’absolu. Elles sont en quelque sorte des transformateurs de sueur en suaires.
Dans ces installations, la lumière intervient comme un révélateur, elle est le liant qui réunit et agite l’espace de l’installation, l’espace de l’image et l’espace de la pensée.